On l'a tous expérimenté : on finit toujours par personnifier nos outils de travail les plus quotidiens. Par leur donner une
âme, les investir d'affectif.
Même votre ordinateur, là, taratata, ne niez pas, vous lui parlez, si si, à chaque fois que ça bugue ou que ça prend trop de temps, bien sûr que vous l'engueulez, que vous
l'admonestez, que vous le suppliez, que vous le menacez.
Et tenez, par exemple, mon courageux petit ordi à pédales, valeureux petit ordi, qui avec un processeur à 233 MHz, rendez-vous compte, même les calculatrices actuelles vont
probablement plus vite, et bien ce vaillant petit Mac réussit à supporter le système 10.3 et avec même pas assez de mémoire vive en plus. Haa, brave petit ordi.
Vous avez remarqué ? «Brave», «courageux», «vaillant», alors que bon, des puces en silicium se foutent, comme moi de ma dernière pièce de 5 centimes, de toute notion morale :
elles font, ou elles font pas, point barre, et si elles font, c'est comme on leur dit de faire (certains rêveraient d'avoir des travailleurs comparables à des puces de silicium, mais c'est un autre
débat...).
Oui mais voilà, c'est humain, on est capable de s'attacher à tout ce qui nous prolonge d'une manière ou d'une autre. On peut se mettre à aimer un stylo, ou un carnet, ou un
tournevis, ou un rabot.
Je sais pas si c'est valable pour des tuyaux d'arrosage, des serpillères ou des balais à chiottes, évidemment, mais ne détournez pas la conversation je vous prie, vous avez
parfaitement compris ce que je voulais dire.
Alors, imaginez ce qu'il en est quand, plutôt qu'un outil, c'est un instrument, objet d'art en lui-même, et plutôt que dédié au travail, il sert la musique. Un instrument de
musique, quoi.
Certains musiciens leur donnent carrément des petits noms ; si vous en avez l'occasion, regardez donc à l'intérieur des boîtes d'instrumentistes, invariablement vous avez
quelques photos des enfants, du chien, ou juste de la décoration, comme si on y recréait un petit univers personnel et intime.
Dans mon cas, mon alto n'a pas de petit nom, je ne suis pas bisounoursophile à ce point, malgré certaines apparences, mais j'ai quand même deux cartes postales rigolotes dans ma
boîte.
Mais je ne pouvais pas manquer de vous présenter un jour ou l'autre mon plus fidèle compagnon, qui se balade pratiquement partout où je vais, et avec lequel j'en ai vécu, des
vertes et des pas mûres, grâce, ou à cause, selon les cas, de lui, ha là là, sacré Bébert (zut je me suis trahi... !).
Cette vue présente la
caisse (sic) de l'instrument ; à droite le
manche, sur lequel la partie
noire en ébène se nomme la
touche (c'est là qu'on pose les doigts, d'où le nom, sans doute, issu de
toucher). À
gauche, en noir encore, la
mentonnière, accessoire fixé sur la caisse ne faisant pas partie de l'instrument proprement dit, sur lequel on vient
douillettement lover son menton.
La face présentée ici est la
table, dans laquelle sont découpées les
ouïes, ou familièrement les
esses. À gauche, les cordes sont fixées sur le
cordier ; les cordes sont soutenues par le
chevalet.
Voici le dos. Alors que le bois utilisé pour la table est toujours de l'épicéa, celui utilisé pour le dos est le plus souvent de l'érable, comme ici, qui présente ces rayures
caractéristiques ; mais le dos peut-être fait d'autre bois (poirier, peuplier...). La table et le dos sont taillés dans des blocs constitués de deux plaques collées ensemble (on distingue bien la
ligne de séparation sur le dos). Il existe des dos fait d'une seule pièce ; mais la table a besoin d'être en deux parties collées, pour des raisons de symétrie, afin d'avoir de part et d'autre de
la ligne de partage des veines de bois de taille équivalente.
Les côtés sont constitués des
éclisses, en érable comme le dos, ce qui permet de faire apparaître ces ondulations. De profil, on voit que la touche est
surélevée par rapport à la table : en effet, c'est la table qui vibre (selon des modes de vibrations très compliqués) et qui produit l'essentiel de l'amplification des vibrations produites par les
cordes et transmises par le chevalet, il faut donc au maximum laisser la table libre de vibrer.
On remarque que la table et que le dos sont bombés, essentiellement dans le sens de la longueur : il s'agit de répartir le poids transmis par la tension des corde sur les côtés, au lieu qu'il
agisse perpendiculairement à la pièce de bois. Imaginez que pour un violon, c'est 25 kg qui s'appuient sur une planche de 2mm !