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Nous y voilà


([EDIT] Les grands esprits se rencontrent : alors que j'écrivais ces lignes, je ne savais même pas que l'émission là-bas si j'y suis avait précisément eu comme sujet ce 30 septembre la crise financière actuelle expliquée et commentée par Frédéric Lordon : à écouter absolument, donc) 

([EDIT 2] : Encore mieux !! Visionnez le séminaire "spéculation et crises : ça suffit" tenu à la Sorbonne le 21 juin 2008, par des universitaires et chercheurs au CNRS, pour entendre analyses et propositions alternatives)


Ben voilà : on est en plein dedans.


Ça fait des années qu'on nous persuade sur tous les tons que libérer l'économie et laisser le marché faire c'est la voie du salut et du meilleur des mondes possibles, alors que l'intervention de l'État dans ladite économie n'est qu'un frein conservateur et idéologique qui ne peut que nuire. Haaa, la complainte de nos pauvres entreprises empêchées d'embaucher à cause des charges dûes à l'État - alors qu'elles voudraient tellement bien faire, vous comprenez...


En 1986, la loi de déréglementation financière est portée par le gouvernement socialiste de Pierre Bérégovoy. Il s'agissait de libérer la finance de toute «contrainte», avec comme croyance que cela donnera à l'économie réelle de quoi investir davantage pour que tout le monde il soit plus beau. Depuis lors, tous les doctes économistes de droite comme de «gauche» auxquels on donne la parole nous expliquent que c'est ce qu'il y a de mieux, que c'est le top du top, mais que si ça marche pas encore tout à fait bien, c'est parce qu'il y encore des freins idéologiques et que c'est pas encore assez libéré, et donc forcément.


Or, non seulement la dérégulation de la finance n'a pas du tout apporté aux entreprises de quoi investir davantage (pour embaucher et pour innover), mais elle a même fait l'inverse : le plus rentable immédiatement et le plus facile étant de tenir les rênes de la finance, les actionnaires sont devenus les vrais maîtres des entreprises, dépossédant le patron de son réel pouvoir (puisque démissionable à tout moment s'il ne réalise pas les objectifs fixés - avec certes de grasses compensations, qui servent précisément à ce que le patron accepte de perdre son pouvoir décisionnaire et de jouer le jeu). La part du capital a donc progressé de manière aberrante au détriment de la part dédié au travail (c'est nous, la part du travail).


Donc déjà, cette histoire, en gros, ça sent le truc pas très moral qui renifle pas très bon.

Mais là où ça dépasse les bornes, c'est que les mêmes doctes économistes nous assurent, jour après jour, que ce système est ce qu'il y a de mieux, et que de toute façon l'économie c'est comme la loi de la gravitation, tout ça c'est mathématique, c'est du solide, du béton, c'est hyper-pointu, le capitalisme nous assure un avenir radieux, dormez tranquilles, adhérez donc à la foi libérale et priez saint Marché, amen.


Alors, bon, déjà, quand on observe les dégâts écologiques monstrueux et le gavage de ressources naturelles que cela implique, on est assez dubitatif sur la solidité dudit capitalisme libéral. Mais, avouons-le, ce constat nécessite d'être informé de près sur les tenants et aboutissants de l'écologie, il suppose d'imaginer un avenir lointain constitué d'un monde invivable, et il y a suffisamment d'écrans de fumée habilement diffusés pour que ces histoires d'écologie soient assez floues et un peu vagues, comme une sorte de fléau qui n'aurait qu'un vague rapport avec, par exemple, l'utilisation massive de produits chimiques de tout ordre par l'industrie, alors qu'exactement dans le même temps les taux de cancers augmentent régulièrement et de manière importante, mais n'allez surtout pas y voir un quelconque rapport, sous peine d'être taxé de catastrophiste paranoïaque.


Mais là où le foutage de gueule prend toute son ampleur, c'est quand on assiste en direct au strict démenti de ce qu'on nous raconte à longueur d'éditorial : le système financier capitaliste est totalement et fondamentalement irrationnel, et parfaitement instable.

Il ne cesse d'aller de crise en crise, chaque fois rattrapée par les largesses de l'État pourtant tant conspué par ailleurs. Et cette fois, la crise est plus forte que les autres, et les élus US, dans un contexte électoral particulier, ont refusé de payer les pots cassés et de donner un blanc-seing à Wall-Street pour faire mumuse avec des milliards de dollars.

Ho, bien entendu, rassurez-vous, de même que le nuage de Tchernobyl s'était gentiment arrêté à la frontière pour faire le tour, la France ne sera pas atteinte...


Pendant qu'on nous a bourré le mou pour nous convaincre de cette foi religieuse dans les vertus du marché, certains n'ont pourtant eu de cesse d'alerter et de prévoir ce qui est en train d'arriver. C'est ce qu'a fait par exemple le Monde Diplomatique depuis longtemps, en la personne en particulier de l'économiste Frédéric Lordon (lisez vraiment les articles de Lordon et écoutez ses interventions radios, c'est absolument éclairant).


Et ce sont ceux-là même qui ont toujours été méprisés et vilipendés par les tenants de la gauche bien-pensante, tel un Laurent Joffrin nous expliquant que l'anti-capitalisme est un frein à la gauche, et qu'il faudrait juste un peu moraliser le capitalisme (comme si le capitalisme était «moralisable» - dès lors qu'on laisse faire les marchés, il n'y a plus de morale qui tienne, mais la seule loi de la jungle du profit dans laquelle n'importe quel gentil philantrope ou même seulement lucide se fait bouffer en trente secondes), ou un Philippe Val qui se permet de sous-entendre que le Monde Diplomatique serait du côté de Ben Laden (bah oui, hein, si on est contre le capitalisme, c'est qu'on est contre les États-Unis, donc pour Ben Laden, CQFD), pendant que Ségolène Royale fait son show mis en scène par Ariane Mnouchkine, et que Delanoë déclare ne pas avoir de complexe à se proclamer libéral.


Tous ces sales critiqueurs, ceux-là même qui se sont vus quasiment insultés parce qu'ils voulaient voter non au référendum sur le traité constitutionnel européen précisément pour éviter que soit inscrit dans une constitution les termes d'un libre marché, libre marché dont on voit à présent l'éclatante réussite, tous ces vilains qui ne plient pas à la doxa, c'est la «gauche de la gauche», ce sont les «extrêmes» - parce que, voyez-vous, dès qu'on critique le capitalisme, on est «extrême», et en plus, ça permet de faire l'amalgame avec l'extrême droite, et ça raccorde avec l'équation fondamentale communiste=nazi, on mélange le n'importe quoi c'est pas grave, le tout c'est qu'il en reste quelque chose inscrit quelque part dans les consciences afin que ne soit pas (trop) critiqué l'ordre établi.

Les dérapages incontrôlés du même capitalisme, eux, ne sont jamais qualifiés d'extrêmes, bizarrement, vous remarquerez.


Et le plus hallucinant, c'est qu'en pleine crise grave, démontrant par l'exemple au plus sombre des crétins le non-fondé des thèses libérales, c'est que tous ces gens continuent d'y croire, tels des bigots en adoration devant leur divinité.


Et pourtant : on est en plein dedans.

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D
>mael : ben s'intéresser à Marx, moi je veux bien, mais en faire la référence comme l'alpha et l'omega de toutes choses comme c'est souvent fait, là je le suis moins... Les économistes dont il est question dans la vidéo de cet article n'ont pas besoin de Marx pour analyser et proposer.La référence univoque à une sorte de mentor me paraît même contre-productif, car on finit par tout analyser et décrypter de manière à ce que ça coïncide avec la référence, parce qu'on répugne à écorner la référence. C'est une manière de penser ou de faire de la politique qui me paraît presque religieuse dans son essence.(Ce qui n'enlève rien à Marx, je précise.)Quant à la "révolution", il y a évidemment beaucoup de type de révolutions possibles. Un grand mouvement social pacifique, pourquoi pas en effet, tant qu'il garantisse par la suite que la démocratie et le droit soient appliqués (c'est ce dont se réclame Besancenot, par exemple).Mais dans certains discours révolutionnaires, on entend de manière sous-jacente une forme de ressentiment et de désir de vengeance : c'est ce que je rejette totalement. L'important, c'est que le plus grand nombre de personnes puisse vivre correctement, et non pas l'expression d'une "revanche", parce que ça mène à ne faire que remplacer la classe au pouvoir par une autre.
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M
Bonjours, Djak. Je partage beaucoup de tes analyses, politiques et musicales, mais Je ne suis pas tout a fait d'accord avec toi sur ta vision de l'extreme gauche, et du mouvement d'Arlette Laguiller. (De ta représentation physique de Brahms non plus, il faudra qu'on en reparle.)Pour toi, sa vision du système est "totalement shémathisée", il faudrais que tu en dises un peu plus long la dessus.. de ce connait, son partit se réfère a une analyse Marxiste du système, et je pense qu'on est d'accord sur le fait qu'elle n'est pas totalement shémathisée, et meme assez pertinante, non? Je pense meme que cette analyse reste meme terriblement actuelle, aux yeux de ce qu'il se passe..."Extreme", l'idée de révolution? Comment changer quoi que ce soit, sans un puissant mouvement social? En convainquant les plus riches? Ceux qui sont aux rennes de cette société ne les lacherons pas facilement, et ils ont trop souvent montré dans l'histoire ce qu'ils était capables de faire pour garder le pouvoir...
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D
>Itamis : je comprends ô combien ton dilemme !Mais je reste sur l'impression que tu confonds deux choses : la possibilité dans l'absolu, de changer les choses, et les possibilités concrètes, là tout de suite en France.Les pays qui ont choisi une autre voie : mais quelle voie ? Par exemple, au Vénézuela, Chavez a nationalisé une partie de l'industrie du pétrôle, et le Vénézuela est toujours une démocratie (Chavez est élu, il respecte la décision d'un référendum, etc...). Par là même, on déverse sur Chavez des tonnes d'ordures - il serait antisémite, il chercherait à contrôler les médias, etc... - alors que non seulement ces allégations sont grossièrement mensongères, mais qu'en plus il y a par ailleurs sûrement des choses à critiquer dans l'action de Chavez (comme n'importe qui) si on prenait le temps d'analyser le détail de ce qui se passe au Vénézuela plutôt que d'en rester aux insultes, parce qu'il a commis un acte de lèse-majesté (nationaliser des profits, non mais je vous demande un peu ?.Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a un puissant bulldozer idéologique pour nous persuader que changer le capitalisme, c'est forcément porter atteinte à la démocratie. Qu'il y ait des tas d'exemple de gens qui ont pris le pouvoir avec comme justifications de contrer le capitalisme, et que cela se révèle être juste un besoin de prendre le pouvoir en bonne et due forme, ça, évidemment, ça existe, hélas. Mais cela ne signifie rien d'autre que ce que c'est : des gens qui prennent le pouvoir. Cela ne signifie en rien que changer le capitalisme doit forcément porter atteinte à la démocratie - regarde, si ce n'est déjà fait, les vidéos de Lordon que j'ai mis dans l'article suivant, ses propositions cherche à réguler la finance, mais n'ont rien d'anti-démocratique et ne demande, dans l'absolu, rien d'autre qu'une décision poiltique au sein d'une démocratie. De même que les dérégulations financières ont lieu sous le régime démocratique, votées par des politiques (dont les socialistes, et ce, non pas sous la contrainte, mais parfaitement convaincus, ce qui nous amènera à discuter de savoir ce que c'est que la gauche et que l'extrême gauche), de même on peut défaire ce qui a été fait dans les mêmes conditions démocratiques. Il n'est pas question d'empêcher la libre entreprise, il n'est même pas question de supprimer la finance, mais seulement de changer les règles.Par ailleurs, que penser, du côté de la démocratie, du système actuel ? Un système d'intérêts privés, la finance, donc, qui régule l'ensemble de l'économie réelle et des sociétés, en ne partageant aucun des profits générés mais en faisant payer tout le poids des fiascos ? Quid de la démocratie dans un tel système ? Opposer que des pays qui ont choisi une autre voie sont tombés dans la dictature devient un peu moins fort comme argument possible, parce que peut-être que c'est tout simplement que la dictature devient plus directement voyante dans lesdits pays.Hélas, j'ai bien dit "dans l'absolu", parce qu'évidemment, dans le concret actuel, on est loin d'être dans les conditions ou de telles propositions soit envisagées, et là je te rejoins dans la déprime...Alors qu'est-ce que c'est que la gauche ?Il est clair pour moi que dès lors que le parti socialiste s'est mis du côté de la finance dérégulée, ils ne peuvent pas être décemment classés "à gauche". Se dire de gauche, et dans le même temps accepter peu ou prou le système financier dérégulé, c'est soit être crétin, soit être cynique et utiliser l'étiquette gauche comme argument électoral.De l'autre côté, je tiens pour "extrême" ceux qui proposent en effet un changement de régime, une révolution, la tête des patrons sur des piques, quelque chose du genre - Arlette Laguiller, par exemple, qui semble être pas mal à côté de la plaque dans sa compréhension du système, dans une visions totalement schématisée. Et l'idée de Grand Soir est très romantique, mais très éloignée du réel, avec un minimum de garantie sur ce qui pourrait venir après - bref, je rejette ça totalement aussi.Alors ? Ben heuuuu... En effet, il y a un "trou". Je ne comprends rien au parti communiste qui ne propose plus rien, cherche à sauver un truc historique et nostalgique de l'histoire du parti, et ne sais même plus définir le mot "communisme", bref, c'est une coquille vide. Et Besancenot a une bouille bien sympathique, mais comme dirigeant en effet, il est pas très crédible - cela dit, il s'est déjà exprimé là-dessus, il est tellement sûr de pas être élu que son problème n'est pas de paraître crédible, mais simplement d'être un aiguillon et porte-parole.Par conséquent, c'est vrai qu'il manque quelque chose, clairement. Et on ne peut être que furieux de l'attitude désolante du parti socialiste, qui a bousillé tout la vie politique du pays - parce que, que la droite droitise, de son côté, on peut pas leur en vouloir, au fond, c'est dans l'ordre des choses.
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I
Pardon, pardon, loin de moi l'idée que démocratie = capitalisme. Je constate simplement que dans le monde moderne, les pays qui ont choisi une autre voie ont ouvert la porte à la dictature. Et quand je parle de communisme, ce n'est pas pour l'opposer comme seule alternative à la politique capitaliste actuelle, c'est simplement en constatant (comme tu le fais toi-même, d'ailleurs) que les seuls à proposer une alternative politique actuellement sont les partis dits d'extrême gauche. Et, désolée, mais je pense si ces gens-là étaient au pouvoir ce serait catastrophique.Cela dit, je ne cautionne pas du tout le capitalisme actuel, ni les décisions de politiques qui, pour enrichir quelques multinationales sont prêts à affamer des populations entières et à mettre en péril l'équilibre écologique de la planette... d'où mon désespoir face au paysage politique tant français qu'européen ou américain, et ma perplexité dans l'isoloir : voter pour la peste pour ne pas avoir le choléras, ça commence à me déprimer.
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M
Tu fais bien.Chuis trop synthétique, souvent.
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