Je vis une longue histoire d'amour.
Solide et durable. Sans histoires, pas d'engueulades, rien, un ciel sans nuage.
Ha, si, des fois, j'aimerais la voir plus souvent.
Mais en fait, ce n'est pas vraiment de sa faute.
C'est moi qui suis trop souvent absent.
J'aime ma couette.
Ho là là.
J'ai pas honte, hein ?
J'aime ma couette, voilà.
Le plus délicieux, le plus profondément délicieux, le plus intensément enivrant, le plus charnellement délectable, c'est vers cette époque où la froidure du blizzard et la morsure du gel condamnent le passant transi et grelottant à s'emmitoufler vainement dans un manteau impuissant à contrer les rigueurs de l'hiver qui engourdit tout ce qu'il enveloppe de sa main de glace, et vous, ça vous fait rien, ben non, parce que vous êtes douillettement vautré sous votre couette, au chauuud, mmmmh...
C'est pas bon ça ? C'est pas des bonheurs comme ça qui font qu'on se dit que ça vaut le coup d'attendre le prochain hiver ? C'est pas au moins aussi fort que, je sais pas moi, une tartine de Nutella, mettre ses pieds dans une bassine d'eau chaude à la fin de la journée, ou allumer son ordinateur pour lire les derniers commentaires sur son blog ?
Ou alors, il y aussi le coup d'avoir un bon bouquin, ou une chouette BD, et de la lire voluptueusement sous la couette. Ha ouais, ya ça aussi, c'est pas mal non plus.
Haaaa.
Et la variante ? Hein, la variante ? L'édredoooooon...
Aaaarrrh...
Rien que le mot ; dites-le plusieurs fois lentement, savourez-le, c'est déjà du bonheur : é-dre-don.
Quelle merveille.
Je sais pas d'où ça vient.
On me répondra : réflexe régressif fœtal, ventre de la mère, infantilisation, et patati et patata.
Mouais. Je veux bien.
Dans ce cas, alors, toute recherche de volupté est-elle forcément régressive ? Pour être un adulte, un dur un vrai un tatoué, il faut forcément en chier ? Accomplir sa vie ne serait qu'un chemin de boue, de larmes et de sueur ?
Alors moi, les relents catho d'autopunition afin d'atteindre un niravana post-mortem et nuageux en toge blanche façon soupline, très peu pour moi.
Et puis, franchement, se réfugier sous sa couette, vous trouvez pas qu'il y a de quoi, au quotidien ? Dites ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, vous, quand on vous bassine avec les «réformes», la «flexibilité» ou «les exclus» ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, quand on cherche à vous vendre, avec des sourires ravis de contentement niais devant Sainte-Consommation béate d'imbécillité, une merde qui fait des-photos-de-la-musique-de-la-vidéo-des-jeux-(voire-à-la-rigueur-aussi-un-peu-de-téléphone) pour «communiquer selon vos envies» et «partager vos émotions» ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, quand vous entendez pour la quinzième fois de la semaine la même tournée de promotion faussement joyeuse et sympathique du même film aussi indiciblement et platement inintéressant que celui de la semaine d'avant, ou du même disque incommensurablement dégoulinant de bêtise crasse et de nullité musicale ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, quand Sarkozy passe à la télé ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, quand on vous dit combien touche par mois un sombre crétin, tout ça parce qu'il tape dans une baballe ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, quand Ségolène passe à la télé ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, quand vous apprenez que des riches imbéciles qui doivent s'emmerder dans la vie dans des proportions dépassant le sens commun, ont fait construire une piste de ski artificielle en plein désert de Dubaï ?
Vous avez pas envie de vous réfugier sous votre couette, quand, juste après avoir entendu le cri perdu de pauvres scientifiques tentant timidement de faire comprendre qu'il y a un léger petit problème écologique, suffisamment léger pour mettre à terme l'espèce humaine en danger, vous prenez connaissance des programmes politiques des deux partis qui nous sont proposés au menu (sans dessert ni fromage) ?
Ouais, je sais, certains me répondront à juste titre que, plutôt que de rester sous une couette, faudrait se bouger pour participer aux combats qui en vaillent la peine.
Oui, ben oui, c'est vrai. C'est un million de fois vrai.
Mais l'un n'empêche pas l'autre.
Et puis, il faut bien savoir pourquoi on se bat, non ?
On se bat pour la couette !
É-dre-don. Haaaa....