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L'étrange Nowel de Monsieur Djac

    Comme vous le savez, grosso modo, mon exaltant métier de musicien me fait accéder aux joies contraignantes du monde du spectacle, tant et si bien que je travaille quand vous avez fini de bosser et inversement. Ce qui est logique, puisqu'il faut bien que vous soyez disponibles pour nous écouter. CQFD.
    Donc, me voilà occupé à distraire le bourgeois pendant les fêtes, étant ainsi bloqué sur Paris sans pouvoir me rendre chez papa-môman comme tout le monde, parce qu'ils sont dans le Sud, et qu'en fait l'oncle il avait prévu de descendre, et moi aussi en fait au début parce que j'étais prévu sur une autre production, mais du coup ça a changé pour moi mais plus possible pour l'oncle de changer alors du coup c'est plus possible et si vous comprenez pas c'est pas grave, le résultat c'est que je passe Nowel tout seul, comme un grand.
    Or, je ne suis pas du genre à me laisser abattre pour si peu ; par conséquent, je me suis prévu un gueuleton d'enfer, pour moi tout seul, non mais alors, y'a pas de raison.

    Mais, comment, oui, comment avoir tout de même l'impression de partager ce réveillon festoyant et familial, événement conciliant et consensuel par excellence, paradigme absolu du partage universel et de cette communion unanime dans le cholestérol, les sapins avec plein de petits étoiles qui brillent, et les paquets-cadeaux dorés sans lesquels aucun bonheur terrestre n'est possible ?
    Comment, sinon grâce à un blog ?
    Je vous propose donc, en avant-première mondiale, une mise à nue ébouriffante : mon réveillon en temps réel.

    Attention, c'est parti :
    19h05
    Le plan de travail du coin cuisine est fin prêt.
    Je viens d'ouvrir le foie gras. Quelques feuilles de salades avec un mince filet d'huile d'olive parfumée au basilic, du bon pain de campagne, et un doigt de porto.
    Ça, c'est la mise en bouche, l'échauffement avant les grands travaux.
    Je vous tiens au courant.

    19h14
    J'ai pris du retard à cause d'over-blog et de la mise en page du billet.
    Mais je persiste. L'aventure est exceptionnelle, je suis à la fois grisé et apeuré par cette expérience de réveillon bloguesque. J'ai conscience d'ouvrir une voie nouvelle, d'explorer des possibilités fascinantes pour l'Humanité. Le poids pèse sur mes épaules, la responsabilité m'écrase, mais je tiens bon.

    19h21
    Je me régale. Le foie gras, c'est bon.

    19h26
    Okay, finie la mise en bouche. Maintenant, ouvrir la bouteille de Mercurey 1er cru Clos du Roy 1988 (ça vous la coupe hein ?), en espérant qu'elle est encore bonne, pour laisser le vin s'aérer.
Puis, couper les patates.

    19h30
    Le bouchon fait des siennes, il se casse en deux, on dirait du beurre. Heureusement, grâce à mes doigts de fée, j'évite le pire. Je hume, ça a l'air d'aller. Je goûte : waw. Du nectar, mais sacrément chargé, fallait pas garder la bouteille encore trop longtemps.
Bon, maintenant, les patates.

    19h49
    Ayé, les patates pataugent dans la graisse d'oie, avec de l'ail. Au tour, à présent, du saumon et des blinis. Dieu, que la tâche est grisante ! Je me sens comme ces explorateurs d'antan, navigant sur les rives d'un fleuve africain inconnu. Je sens que que cette expérience de réveillon en ligne va rester dans les annales. La fierté m'étreint. Mais ne nous laissons pas dévier par de futiles sentiments, le travail attend, j'ai besoin de toutes mes forces et de toute ma concentration.

    20h00
    Soudain, l'incertitude me paralyse. Loulou me fout le doute sur le foie gras, et rififi conteste mes choix. Me voici devant mes premiers  obstacles majeurs.
    Mais il ne faut pas que je me laisse aller. Ne pas me détourner de la voie que je me suis tracée. Je me doutais bien que les choses n'iraient pas toute seule, je ne peux pas fléchir, pas si tôt.
    Je continue vaille que vaille le coup des blinis.

    20h13
    Victoire ! Le saumon, avec son filet de citron et un peu de salade, est un régal. ce coup d'éclat me regonfle à bloc pour affronter la suite. Les premiers doutes ne sont plus que mauvais souvenirs.

    20h19
    Il ne faut pas que je me laisse griser par ces premières réussites. Le plus dur reste à venir, je le sais. Ce n'est pas le moment de fléchir. Je suis au pied du mur, et pourtant je ne ressens plus de peur. Seulement un sentiment de plénitude et de tension nerveuse devant l'affrontement maintenant inéluctable. Je sais que ma quète prend enfin tout son sens.
    Allons, il me faut couper les champignons et les échalottes. Et le poivron.

    20h31
    Mon bras n'a pas tremblé. Les champignons en petits morceaux et les échalottes reposent dans leur beurre, sur le feu. Je continue. Les patates sont à point, fondantes. Plus de place aux tergiversations hésitantes : il me faut aller de l'avant, quoi qu'il arrive. Je n'ai plus le choix.

    20h41
    Le poivron a subi le même sort. Il me faut maintenant ouvrir la bouteille de vin blanc pour la sauce (un pinot alsacien), et sortir la BÊTE.

    20h49
    J'ai rajouté le vinaigre balsamique dans les échalottes-champignons-poivron. Le magret est dans sa poëlle, l'énorme bête me fait peur, mais au fur et à mesure, mes gestes se font plus sûrs, plus précis, le travail fait parcourir mes muscles et mes tendons d'une chaleur assurée, et rend mon cerveau affuté, aux idées claires, sans questionnements parasites.
    Il faut que je m'occupe du poivre vert, à présent.

    20h56
    L'affrontement avec la bête est colossal. Je m'arc-boute, je tiens bon. Je n'aurais jamais imaginé être confronté à si forte partie. Mais je ne peux reculer, je le sais.
    Le poivre vert est lavé, au tour du persil.

    21h01
    Ça cuit.
    Je me prépare mentalement à écraser le poivre vert au fond de la poëlle parmi les sucs caramélisés du canard, puis de déglacer au vin blanc, puis de rajouter mes champignons-échalottes-poivron qui mijotent dans leur jus.
    il faudra être rapide et précis, sans concession.

    21h07
    Après le déglaçage, bien sûr, le petit verre de porto (utile pour faire une sauce au porto), et la crème fraiche. Tant d'opérations délicates. Je sens la peur revenir, insensiblement, alors que l'assaut final se rapproche inéluctablement.

    21h14
    Le moment décisif est maintenant imminent. Je rassemble ce qui me reste de courage. Quand vous me lirez à nouveau, je serai soit accablé par l'échec, soit ébloui par la gloire.
    Allons, courage.

    21h24
    Rhhhha ! Quelle dure lutte !

    21h32
    Je crois que la victoire est proche !!

    21h38
    Ayé.
    Le magret git, vaincu, autour des patates, enrobé dans la sauce.
    La sauce est un nectar, un hydromel.
    Fourbu, éreinté mais ravi, je me dois maintenant de savourer ma victoire comme il se doit. Quelques feuilles de salade et éclats de persils viennent rehausser l'assiette.
    C'est beau.
    Je m'accorde un petit temps de recuillement devant le bonheur du travail accompli.
    Et puis bon, j'attaque.

    22h18
    Tel un lion au crépuscule dans la savane sauvage, je suis repu.
    C'était bon. Mais que c'était bon. La bonne nouvelle, en plus, c'est qu'il en reste plein pour demain...
    Allez, pour faire passer tout ça en beauté, un petit crottin de Chavignol.

    22h32
    Arpès tout ces affrontements terribles, le Chavignol n'était qu'une formalité.
    J'en ai profité pour paresser et m'accorder les premiers temps de repos depuis le combat avec la bête. J'ai pu ainsi en profiter pour envoyer un petit message à des personnes chères (qui n'ont pas accès au blog, ou pas vraiment, je précise).
    Accueillons à présent une glace à la vanille fort bienvenue.
    Et savourons notre réussite éclatante. Tout s'est déroulé parfaitement, et le résultat dépasse mes espérances. Serai-je seulement compris de mes contemporains ? La question se pose en effet, mais pour l'instant je chasse ces pensées inutiles pour me concentrer sur les délices du sentiment du devoir accompli.

    22h44
    Mmmrrhhhhrrmmmmmmmh.

    22h47
    Miomiomiomiommmmmmmrrrrrrrrmmm.

    22h50
    Seule ombre au tableau : après la glace qui était pas très glacée à cause de mon réfrigérateur antédiluvien, je m'aperçois que je n'ai plus de tilleul. Qu'à cela ne tienne, je vais me faire un thé.
    Détails que tout cela.
    L'essentiel était de réussir la bête.
    Et elle restera gravée dans ma mémoire.

    22h56
    Rrrrhhmhmhmmmmmmmmhhhhhhh.

    23h04
    Je me dois de le constater, quand même, les cadeaux ça manque. C'est pas que je sois vénal, et en plus je les aurai en janvier, quand je pourrai filer dans le Sud, mais bon ça fait un peu mal au cul, comme qui dirait l'autre.
    Et même, je me demande si c'est de pas pouvoir offrir des cadeaux aux gens que j'aime qui n'est pas le plus frustrant.
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D
>esttelle : bienvenue !! :o)<br /> <br /> >arbobo : haa, et si Diaz m'ignore...<br /> <br />
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A
dites hé, moi j'aime bien l'humour drôle aussi, mon collègue bouseux a pris un accent bizarre (esspagneul) et proposé "i veu bien joué aussi, si oun m'apéle ameronne Diaz"mais j'ai pas vraiment compris. les blagues c'est bien mais souvent c'est compliqué.les vaches au moins c'est pas compliqué, ça bouffe et pis ça pète.et pis voilà.boudiou je devré êt' couché à c't'heure,le coq va m'avoir à l'oeil.
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E
j'ai beaucoup ri...merci à bientôt estelle
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A
Moi j'aime bien kristana. Quelle classe !
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B
J'voulais dire "les nains baladeurs", bien sûr!
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